Génération 'spontanée'

D'ordinaire je vais plutôt faire mes courses dans la matinée à une heure de peu d'affluence afin de me décharger de ce qui est, à mes yeux, une véritable corvée.

Hier, jeudi, en plein milieu d'après midi, passant à côté du magasin que je connais le mieux, je me suis arrêtée afin de prendre quelques bricoles pour avoir de quoi finir la semaine en pensant qu'à 16 heures, entre ma connaissance des rayons et le temps estimé de passage aux caisses, je devrais être libérée en quinze minutes maximum.

Erreur sur toute la ligne. Ce devait être LE jour de sortie de la maison de retraite, autorisant ses pensionnaires à aller faire quelques emplettes. Je me suis ainsi retrouvée au milieu d'un lâcher du troisième (voire quatrième) âge. Les caddies en guise de déambulateur entravant les allées ; la  marche imprécise des septua ou octagénaires, les gestes tremblants et les appels à l'aide pour attraper qui la boite de petits pois, qui la bouillie (si si !), j'ai eu le sentiment de me retrouver dans un vieil épisode du Muppet Show. C'est qu'ils sont féroces entre eux les petits vieux et très potaches : Et vas-y que je te pousse ton chariot de travers pour passer le mien, et vas-y que je te pique, dans ton caddy, le paquet de biscuits que tu as réussi, après moultes contorsions et au risque d'un tour de rein, à prendre en hauteur, et vas-y encore que je t'envoie une petite vanne bien sentie !

Quel joyeux bordel ! Surtout aux caisses. Entre celui qui, regard plongé dans le décoleté de la caissière n'entend plus rien de ce qu'on lui demande ; celui qui, du haut de sa fringance fait un brin de causette à la "demoiselle" en se disant que l'âge n'atteint pas le talent du dragueur et celles qui ont oublié de peser leurs fruits et qui s'attardent à commenter et comparer, avec la leur, la coiffure de l'hôtesse, le passage en caisse a été sportif. Le pire, c'est que tous, autant qu'ils étaient ont compté, un à un les centimes qu'ils avaient dans leur porte-monnaie afin de se décharger de pièces trop lourdes et encombrantes et ... comme à cet âge là on ne sait plus si c'est bien 2 ou 5 centimes d'euro (on a forcément pas mis ses lunettes et c'est bien compliqué l'Euro) ça prend 'un certain temps'. C'est même à se demander si on ne les fait pas chanter dans les cours car il me semble n'avoir vu aucun billet ...

J'avais beau râler intérieurement, je me suis quand même bien amusée. Si, au même âge, je prends la vie avec autant de désinvolture et de plaisir qu'eux, alors il n'y a vraiment pas de quoi s'en faire ! La cerise sur le gateau : eux dont le temps est compté le prennent avec le talent de ceux à qui rien ne peut plus arriver !

Comments

[centenarius]

Les attachiants ne vous devancent que de quelques années. Quand vous serez en âge de mettre en rage ceux qui vous suivent, il n'y aura plus de caisses dans les hypers et les djeunes feront leurs courses en usant de l'index jusqu'à "valider."
Il y aura des championnats de "Solitaire" pour seniors dans les mouroirs à deux faces pour seniors. Le gagnant aura le droit de voir du monde sans gêner.
Les maisons de retraite auront une webcam et le dimanche vous aurez droit à deux minutes de coucou avec vos enfants qui auront autre chose à faire que de visiter de vieilles faces indiennes mises au pilon du monde qui bouge.
La vieillesse n'attend pas le nombre des damnés.
Signé: caniculus 2003.

[Laure]

Bien vu ! J'ai moi-même des accès de rage lorsque je fais mes courses le samedi et que je retrouve, aux caisses, tous les retraités qui ont largement le temps de faire leurs courses en semaine.
Mais comme tu le dis, il faut avoir un regard amusé et être indulgent. Vrai aussi que même si c'est rageant il faut bien reconnaitre qu'ils sont terriblement "attachiants".