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15 février 2012

Le Peletier, avec fleurs et couronne.

Extrait du livre de Gilles Marchal "Finalement c'est rigolo l'Histoire"

Le Peletier, avec fleurs et couronne.

            Les funérailles sont organisées par le peintre Jacques-Louis David, ennemi indéfectible de la bonne franquette et prosélyte affiché de la Liberté nouvelle (lol).  L’ordonnateur régicide a vu modeste ; mettons-nous en situation.

Vers 9 h 30 Place Vendôme, rebaptisée place des Piques, une voiture à six chevaux noirs, s’arrête près du piédestal vide, depuis que la statue équestre de Louis XIV a été abattue. Six hommes grimpent l’escalier entre deux rangs de candélabres et déposent le lit de mort… du mort.

Il est là, allongé, dans la position du sacrifié à la cause ; le drap ensanglanté, négligeamment arrangé et artistiquement baissé jusqu’à la ceinture, laissant sur le flanc nu, apparaître la large blessure, provoquée par le glaive vengeur-de-roi, que l’on a posé près du cadavre. Je fais confiance à David pour avoir rajouté du rouge ou il en manquait. Près du lit de parade, les habits souillés sont accrochés au bout d’une pique, garnie de branches de cyprès. On a beau être en janvier, quatre jours… bon.

La place des piques est noire de monde. Les badauds regardent se mettre en place, l’impressionnant cortège qui va accompagner Le Peletier jusqu’à son ‘avant’ dernière demeure ; le Panthéon. La musique composée et dirigée par François-Joseph Gossec, n’annonce pas une franche rigolade. Plus lugubre, tu meurs, ce que, j’en conviens, est déjà le cas pour le héros du jour.

Le président de la Convention, Jean-Paul Rabaud Saint-Etienne, vient ceindre la tête blême, d’une couronne civique de fleurs, et du même coup, donner le signal du départ. Michel Lepeletier va faire une balade à travers Paris au son du canon, suivi par tout ce qui compte dans la République ‘parisienne ‘ et par ordre d’entrée en marche, avec toute la pompe qui convient à si bel équipage.

D’abord, un détachement de cavalerie, précédé de trompettes avec sourdine, prend la rue Saint-Honoré, suivi de sapeurs sans mines et de canonniers sans canon. Démarre ensuite une section de tambours voilés, le port du voile sur une peau de tambour est encore autorisé. chuuuuttt ! S’agit pas de faire du barouf à réveiller un mort. Derrière elle, une demi douzaine de citoyens pas veinards, porte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, version lourde, c’est à dire, non épurée des articles bidons. Je vous passe les tribunaux, la municipalité, les commissaires de police, les élèves de la patrie, Brunt le chien de Robespierre qui pisse sur un sans-culotte,  les sections, les juges-de-paix, le tribunal de la cassation, une bannière avec les noms des départements, le corps électoral, la municipalité de Paris qui prennent la file en bon ordre.

Arrive la figure de la Liberté, portée par des citoyens méritants. Je présume qu’il n’ont pas du la voir, sinon ils se seraient enfuis à toutes jambes. Place aux députés de la Convention Nationale, ils sont un peu plus de 700 à se geler les ripatons, par un froid de canard. Mais voici une pancarte qui prend toute la largeur de la rue, on peut y lire, une énormité, ce sont les derniers mots de Le Peletier : « Je suis satisfait de verser mon sang pour la patrie ; j’espère qu’il servira à consolider la liberté et l’égalité, et à faire connaître ses ennemis. » A la lecture de ce roman d’un total mauvais goût, on peut se demander s’il ne les a pas prononcés en prenant un digestif avec Louis XVI qui a dit, à peu de choses près, la même chose sur l’échafaud..

Pour dire la vérité, Le Peletier n’a pu prononcer qu’un seul mot, avant d’être transporté chez son frère et d’y mourir : «  j’ai froid ! » C’est moins redondant évidemment, et en janvier, sa portée tient plus d’un bulletin meteo concis, que de l’aspiration  historique.

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