Racisme et autres dérives sectaires

Parce que le racisme est fils de la méconnaissance ...

Texte de Li Sseu-ma Ts’ien (vers 13 av. J. -C.)

"J'ai appris que de hauts fonctionnaires ont proposé qu'on expulse les étrangers. J'estime que faire cela serait une faute.

Les ducs et les rois, Vos ancêtres, ont tous fait appel au talent des étrangers.

Si on avait autrefois écarté les lettrés étrangers, si on ne les avait pas admis au service de l'État, si on ne les avait pas laissés entrer, si on les avait expulsés, notre pays ne jouirait pas aujourd'hui de la richesse et des avantages qu'il a, il n'aurait pas le même renom de puissance et de gloire.

Votre majesté possède aujourd'hui des jades précieux, elle est couverte de perles éclatantes, elle porte une belle épée, elle monte des purs sangs admirables, elle déploie des bannières de soie ornées de dragons, elle fait résonner des tambours en peau de crocodile. Aucun de ces trésors ne vient de ce pays; pourquoi alors Votre Majesté les aime t-elle?

S'il fallait vraiment que tout vienne du pays, alors plus d'escarboucles dans les salles du palais, plus d'objets en corne de rhinocéros et en ivoire dans votre trésor, plus de filles des pays de Tcheng et de Wei dans les harems impériaux, plus de coursiers rapides dans vos écuries. On ne devrait plus utiliser ni l'or ni l'étain, ni le cinabre, ni le bleu d'occident.

Si tout ce qui réjouit le cœur et charme les oreilles, tout ce qui fait l'ornement de l'appartement des femmes du palais doit provenir de ce pays alors, les diadèmes de perles, les longues boucles d'oreilles en perles, les robes de brocart et les broderies ne doivent plus paraître à vos yeux, et les femmes du pays de Tchao, gracieuses et élégantes, ne peuvent plus être à vous.

La musique du pays de Ts'in consiste à taper sur des jarres de terre et sur des cruches, à pincer la guitare à douze cordes et à faire s'entrechoquer des osselets en chantant et criant : Hou, Hou! La belle musique de danse et de cour est une musique étrangère. Pourtant aujourd'hui on ne tape plus sur les jarres, on a laissé la guitare, on joue la musique étrangère.

Et on voudrait maintenant qu'il en soit autrement en ce qui concerne le choix des individus? Il ne faudrait plus se demander si un homme est apte à un emploi ou non. On n'examinerait plus s'il est compétent ou non. Ceux qui ne sont pas de chez vous seraient expulsés, les étrangers chassés?

S'il en était ainsi, cela voudrait dire que vous aimez les couleurs éclatantes et la belle musique, les perles précieuses et le jade rare, mais que vous n'estimez pas les hommes. Ce n'est pas là une conduite qui puisse permettre à un monarque d'avoir l'empire à ses pieds et de faire plier les féodaux.

De même que la terre n'a pas de côtés différents, il ne doit pas y avoir de pays qui soit étranger à notre peuple.

Il y a beaucoup d'objets qui doivent être considérés comme précieux sans qu'ils proviennent d'ici. Nombreux sont les hommes qui, sans être nés chez nous, peuvent nous être fidèles. Si maintenant on doit exiler les étrangers, ils iront renforcer les pays ennemis. Si on diminue notre population pour enrichir celle de nos adversaires, nous dépeuplerons notre pays nous-mêmes, et, à l'extérieur, nous provoquerons le ressentiment des pays soumis à notre loi."

A méditer ...