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Alias Clory
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7 avril 2011

Le saviez-vous ? : la quatrième de couverture

Trompeusement reléguée à l’arrière d’un livre, la « quatrième » n’en est pas moins la page la plus substantielle. Destinée à ouvrir l’appétit des lecteurs, elle préside en grande part au destin d’un ouvrage en librairie.

On a tendance à l’oublier : les livres sont ainsi faits qu’on les commence toujours à l’envers. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les lecteurs potentiels, flânant au hasard des rayons d’une librairie : l’œil d’abord accroché par un titre, un nom d’auteur, ou un prix littéraire mentionné sur bandeau coloré, ils retournent immanquablement l’ouvrage pour en parcourir le plat verso. Qu’on ne s’y méprenne pas, car si l’on réserve à la « quatrième » le dos d’un livre, c’est précisément parce qu’elle endosse, en matière de lecture, un rôle des plus stratégiques. « Zone indécise entre le dedans et le dehors », ainsi que le rappelle Gérard Genette dans son ouvrage consacré aux « seuils » du texte littéraire, la quatrième matérialise le vestibule du roman, offrant à tout un chacun la possibilité d’y entrer ou de lui tourner, à son tour, le dos. Aussi est-elle au centre de l’attention des éditeurs… et de leurs interrogations. En effet, quelle place accorder à ce texte ? Quelle longueur lui donner pour piquer la curiosité du lecteur sans risquer d’engourdir sa fragile attention ? Faut-il en confier la rédaction à l’auteur lui-même ? Est-il seulement à même d’intervenir dans ce qui revient, somme toute, à la commercialisation de son ouvrage ? Comment parvenir, du reste, à promouvoir une œuvre sans en dénaturer le sens, ni verser trop explicitement dans le pur discours marketing ?

Petite histoire d’un petit texte


Si ces questions se posent nécessairement aujourd’hui, une archéologie de la quatrième prouve qu’il n’en fut pas toujours ainsi.  Au Siècle des Lumières, celle-ci existait sous la forme embryonnaire – et ostensiblement publicitaire – du «prospectus» : soit une réclame, communiquée par les éditeurs à la presse et qui donnera bientôt naissance au «prière d’insérer» – un texte bref, incitatif et élogieux, que les directeurs de journaux du XIXe siècle se voyaient littéralement priés d’inclure dans leurs colonnes, dans le but d’informer le public de l’actualité éditoriale. Durant la première moitié du XXe siècle et l’entre-deux-guerres, ce libellé prendra la forme d’un encart, feuille glissée dans les seuls exemplaires de presse, mais destinée cette fois au lectorat plus ciblé des critiques littéraires. Il faudra attendre l’après Seconde Guerre mondiale pour que ces feuilles volantes soient élargies à tous les exemplaires – et donc au public – et plus encore pour que celles-ci soient directement imprimées au verso des livres, pour des raisons bassement économiques.

Savant dosage entre la sécheresse du compte-rendu et l’effusion du dithyrambe, jeu subtil d’accroche et de dérobades, la quatrième requiert finesse et ingéniosité. Un exercice périlleux, auquel certaines maisons d’édition se dérobèrent longtemps.
 En mai 1926, un mois avant la parution de Mont Cimène, Julien Green écrivait dans son Journal : «J'ai fait aujourd'hui la notice que l'on doit glisser dans les exemplaires de presse de mon livre. Il est ridicule et gênant d'écrire ainsi sur soi-même, mais si je ne le fais pas, un autre le fera à ma place, et plus mal encore.» Une dizaine d’années plus tard, dans la quatrième de son Gilles, Pierre Drieu La Rochelle confessait les mêmes difficultés, mais aboutissait à une conclusion inverse :  «Une prière d’insérer est difficile à rédiger par le romancier s’il sait que la critique la lira comme une préface. En effet, un roman n’admet pas de préface. Il ne peut que se suffire à lui-même […] Ce n’est pas à l’auteur de dépecer son livre mais au critique.» Ce faisant, l’écrivain recueillait dans l’espace même du plat verso l’écho d’un débat éditorial qui, aujourd’hui encore, n’a pas été clôt.

 

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Commentaires
P
Ouah ! Oui alors là ,je ne te contredirais pas ,parce que ma petite tête a un peu de mal à assimiler tout ça,donc si tu le dis ça doit être vrai et je te le dis ,nous ne contesterons pas !<br /> Bisous.
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