L’historiquement correct ou la France défigurée
Ainsi donc, on revisite l’Histoire de France, on l’allège dramatiquement de toute sa substance pour pouvoir loger, dans les manuels de nos chers enfants, quelques belles pages sur les grands empires africains.
Cette « idée », qui ne vient pas du siècle des "Lumières", est à prendre au sérieux, notamment dans le contexte général d’une particulière sensibilité de l’opinion publique aux questions d’enseignement et face à cette multiplication d’usages publics de l’Histoire qui saturent les débats sociaux et politiques.
Que l’on songe seulement à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy et à ses références quasi compulsives à l’Histoire de France ; au futur musée d’Histoire de France qui se profile aux Invalides (elle sera en effet bien invalide notre Histoire après ces coupes franches que l’on souhaite lui asséner) ; aux différentes pratiques gouvernementales qui instrumentalisent le passé comme lecture de la lettre de Guy Môquet dans les lycées.
En effet, si cet enseignement se voit amputé de tous ces personnages, de toutes ces campagnes qui ont fait l’histoire de la France, de tous ces philosophes, fabulistes, musiciens, peintres, architectes, généraux, on interdit à certains élèves tout accès à la connaissance d’une histoire toujours à découvrir et dont l’interprétation ne cesse d’être revisitée.
L’appréhension du passé permet à tout individu d’être en capacité de se situer dans le présent, de devenir un acteur de l’avenir. Si on laisse s’installer des confusions, les brouillages entre passé et présent, alors, des discours de vérité, et le débat démocratique qui repose sur la mobilisation d’outils critiques, se verra réduit à de simples joutes d’opinions, en apparence contradictoires, en réalité stériles et purement consensuelles.
L’histoire n’est pas simplement une discipline, elle aide à saisir les impasses dans lesquelles nous sommes plongés. Que l’on songe à la crise financière actuelle : comment la comprendre désormais sans remonter à la genèse du capitalisme ? Autre exemple : comment rendre intelligible une formule aussi chargée de sens telle que «la démocratie participative» sans l’inscrire dans le temps ? Devrons-nous nous contenter des déclarations de quelques candidat(e)s, en quête de notoriété ?
Au lieu d’alléger notre Histoire de France il eût été plus judicieux de lui adjoindre un cours supplémentaire d’Histoire comparée car il n’est rien d’apprendre si l’on ne comprend pas les enjeux politiques et/ou culturels, engagés par chacune des civilisations qui se sont mêlées, justement, à notre belle Histoire de France.